date de la sortie:
zone géographique:
participant:
L'hydre est un pluricellulaire complexe d'apparence végétale. Les généticiens considèrent ce polype comme immortel, notamment grâce à ses capacités régénératrices. Il possède 6 à 10 tentacules urticants entourant la bouche-anus et régénère rapidement les parties qui lui sont enlevées. Wikipedia
Rendez-vous était pris pour déséquiper l’hydre ce week-end du 29 et 30 août. L’oisiveté engendrant la débilité, j’accepte de prêter mes bras pour le samedi, me disant qu’avec un peu de chance et de courage je pourrais aller jusqu’au fameux Mario Bros et remonter des kits. Mais arrivés au port, nous ne fûmes que 3, avec Éric et François, que j’avais croisés lors d’un exercice de secours. Il faudra aller au bout.
Arrivée à l’entrée de la grotte à 10h, équipement dans la brume. La consigne est donnée : on y va tranquille en descendant, on passe les difficultés ensembles, on garde toutes nos forces pour la remontée. Le P5 et le P4 sont rapidement avalés et on arrive sur le P53. Je trouve ce puit majestueux tout le long de la descente, avec ses parois lisses d’une roche noire zébrée de blanc ; mes lacunes en géologie se font remarquer. Je pense aux conseils des amis en arrivant au fractio. Effectivement, la corde d’amont descend bas sous l’ancrage et on peut être bon pour une conversion et une remontée de 2 mètres si l’on ne se méfie. L’obstacle est passé sans encombre, la descente continue. Il y a des moments dans la vie où l’on sait pourquoi on n’est pas en train de regarder téléfoot ; d’un autre côté, on est samedi, rien n’est perdu.
Les puits s’enchaînent les uns après les autres, parfois séparés d’une petite escalade ou de quelques étroitures. On regrette de voir traîner de ci de là des bouteilles d’eau vides… Et c’est sans s’en rendre compte qu’on arrive vers -235m aux conduites forcées, des galeries suffisamment larges pour passer sans encombre, mais trop étroites pour faire une pause durable.
Puis vient le fameux Mario Bros. Consignes techniques avant de s’y engager. Il faut traverser une petite chatière de 2 ou 3 mètres en s’engageant par les pieds, se longer à l’aveugle sur l’amarrage en sortie et immédiatement le pendule qui donne accès au « nouveau réseau ». En dessous, un P43+25 de l’ancien réseau. Je passe en dernier. La traversée de la chatière se passe bien. Pour se longer en sortie, trouver l’amarrage n’est pas évident ; il est bas, il est loin, mais enfin je le trouve et accroche le mousqueton. Je recule un peu vers le P43+25, me délonge en amont, passe la tête hors de la chatière, voit le doigt du mousqueton de ma longe d’aval qui ne s’est pas refermé… glisse et tombe… Je ferme les yeux ; un rapide calcul v2=gh , ma vitesse devrait atteindre rapidement 25m/s en négligeant les frottements, pourvu qu’il n’y en ai pas… Le temps devient une donnée complètement absconse, je regrette de n’avoir pas mangé mon paquet de Haribo. Ma folle chute s’arrête brutalement. J’ouvre les yeux. Le mousqueton s’est refermé, je n’ai chuté que de la longueur de ma longe. Mon jour n’était pas venu.
La descente se poursuit dans le nouveau réseau. Rien à voir avec les conduites forcées. Des puits étroits, des passages difficiles et les cordes qui sont pleines de glaises. A 13h, soit 2h30 de descente, nous sommes à -360m. Longue pause déjeuner, sandwichs, pomme, barre de céréales. Je mange avec grand plaisir mes Haribo, réhydratation. Départ à nouveau, P23 et arrivée dans la glaise, escalade de 7 mètres dans la glaise, P15 et arrivée dans la glaise au fond de l’hydre. Enfin. Dans un coin, une petite pièce aux murs blancs, une porte de 30cm de haut sur la gauche. En face, une table, deux morceaux de champignon. L’un fait rétrécir pour passer la porte mais l’autre fait grandir (je n’accepterai de mise en doute de cette description que sur photo). Je prends le plus odorant des 2 mais me sens incapable de le manger tant j’ai mangé de bonbons.
Nous décidons de remonter, dans la glaise. Celle-ci s’insinue dans les bloqueurs. Les bloqueurs de pieds sont inutilisables, régulièrement le crowl et la poignée glissent sur la corde. A chaque mouvement il faut vérifier que tout se referme bien. Retour à -360. Une nouvelle voie escaladée récemment est à déséquiper, nous commençons la remontée en restant groupés. Il est 16h. Il nous faudra 6h pour remonter jusqu’au Mario Bros, nous passant les kits lourds de cordes pleines de glaise de la main à la main à chaque fractio. La remontée est terrible. Je reste coincé dans une étroiture, pied coincé dans la pédale, kit accroché à un rocher, sans possibilité d’avancer, de reculer, de me retourner. François m’aide à passer, nous repartons. Aucun endroit pour faire une pause, pas un endroit pour s’asseoir ou s’allonger 2 minutes. Arrivée au Mario Bros, remontée des conduites forcées puis le réseau des coupelles, à -230m, il est 22h. Nous avons remonté 130m en 6h. A continuer sur le même rythme on va rater téléfoot. Pause dîner. Je change les piles de ma frontale, dont les LED ne se rallumeront jamais... La fin de l’ascension devra se faire avec le petit halogène et à la lampe de poche décathlon à 2,40€… On largue 3 kits, puis on repart. La remontée à travers les failles se fait lentement, permettant de voir les marques des travaux de désobstructions réalisés dans la roche granitique sur des hauteurs de parfois 10m. Quelle ironie de voir les traces de cette obstination à vouloir descendre alors que nous peinons tellement à remonter. 1h du matin. -120m. Pause réhydration, on se force à manger un petit quelque chose. Le plus dur est passé. Après un dernier pendule, il ne reste que des grands puits : P26, P10, P53. Plus d’étroitures, peu de fractios. Et les deux petits puits du départ avant de respirer à l’air libre. Arrivé au P53, la dernière grande ascension commence. C’est là qu’on se dit qu’un P>30, c’est sympa. A descendre. Arrivé au fractio de mi parcours, tous les efforts sont comptés. On espère que chaque déviateur sera le dernier. Mais non. Je tiens, je ne pleure pas. Le P4, lentement, le P5 très lentement. C’est fini. Il ne reste que la petite faille avant la sortie. Je l’avais trouvée chouette ce matin ; des parois lisses espacées en hauteur de 60cm, un peu de glaise, une pente à 45° : un vrai toboggan, j’avais bien rigolé. Mais il est 4h du matin, ça monte, ça glisse, le kit me tire vers le bas. Je pleure, j’insulte le kit copieusement en me disant : « plus jamais ». J’arrive enfin à l’air libre. La lune m’accueille d’un clin d’œil entre deux nuages. C’est fait.
Deux jours après j’y pense encore, j’en pleure encore. Et à la question y retournerai-je ?
La réponse est oui.